De plus en plus de dirigeants d’entreprises françaises choisissent de vivre hors de France, tout en conservant leur société en France. Pour le chef d’entreprise, cette expatriation a des conséquences fiscales (Exit Tax, imposition en tant qu'expatrié, fiscalité applicable aux revenus en France et/ou dans le pays de résidence, avec application de conventions fiscales le cas échéant), mais également sociales (poursuite de l’affiliation au régime social français et/ou affiliation au régime social du pays de résidence, avec application de conventions de sécurité sociale le cas échéant). La pertinence d’un transfert de siège social ou d’interposition d’une société holding pourra alors être étudiée selon les objectifs poursuivis.
Que la transmission soit à titre onéreux (cession) ou gratuit (donation ou succession), la première conséquence sera de faire tomber le sursis de paiement appliqué pour l’Exit Tax.
Pour rappel, l’Exit Tax correspond à l’imposition immédiate des plus-values latentes sur les valeurs mobilières pour une personne qui détient une participation de plus de 50 % dans une société ou sur les valeurs mobilières d’une valeur supérieure à 800 000 €. Dans ce cas, la plus-value latente constatée sur ces titres à la date du transfert de résidence fiscale sera imposable selon le régime des plus-values mobilières : PFU ou IR sur option, et prélèvements sociaux.
Cette imposition pourra faire l’objet d’un sursis de paiement[1] qui prendra fin en cas de cession (rendant ainsi l’impôt exigible) ou fera l’objet d’un dégrèvement en cas de donation des titres concernés ou de décès du dirigeant. La plus-value réalisée entre le départ de France et la transmission sera purgée par la donation ou la succession en France. En revanche, la plus-value globale constatée lors de la transmission pourra être imposée dans le pays de résidence du cédant ou du donateur/défunt si la législation interne le prévoit (sous réserve des dispositions d’une convention fiscale le cas échéant).
Par ailleurs, une transmission à titre gratuit dans un contexte international peut entraîner, par principe, une imposition multiple : dans l’État de résidence du donateur/défunt, dans l’État de résidence des donataires/héritiers, dans l’État de situation des actifs. Des conventions fiscales, lorsqu’elles prévoient une application aux donations/successions, pourront permettre de répartir le droit d’imposer entre les États et ainsi éviter une imposition multiple. Elles sont toutefois peu nombreuses, particulièrement pour les donations.
En l’absence de convention, les règles de territorialité française pour l’imposition des donations et successions prévoient une imposition en France lorsque le défunt ou l’héritier est résident fiscal en France ou l’a été pendant au moins 6 ans au cours des 10 années précédentes, ou si l’actif objet de la transmission est situé en France.
Exemple avec un dirigeant d’entreprise française qui s’expatrie en Espagne :
Lors du transfert de sa résidence fiscale, l’Exit Tax sera calculée sur les plus-values latentes (s’il rentre dans le champ d’application de l’impôt) mais placée en sursis automatique de paiement puisque l’installation se fait dans un État de l’Union Européenne. Lors de la transmission ultérieure de l’entreprise, l’Exit Tax sera exigible en France.
L’expatriation du dirigeant peut avoir des conséquences sur les stratégies d’optimisation de la transmission avant le départ de France :
Exemple avec l’Espagne : si la cession de l’entreprise est effectuée par les donataires qui en ont reçu la pleine propriété, l’imposition sera due dans le pays de résidence des donataires et/ou en France selon l’existence ou non d’une convention fiscale avec ce pays.
Si la donation portait uniquement sur la nue-propriété, la convention fiscale entre la France et l’Espagne ne prévoyant aucune disposition sur les donations, l’Espagne, qui prévoit une imposition lors de l’extinction de l’usufruit, pourrait appliquer une imposition.
Exemple avec l’Espagne : le dirigeant devra s’acquitter de l’impôt sur la plus-value en report lors du départ de France. Toutefois, s’il rentre dans le cadre de l’Exit Tax, ce report d’imposition se transformera en sursis de paiement jusqu’à la cession des titres de la holding (la cession de l’entreprise apportée n’important pas) et fera l’objet d’un dégrèvement en France en cas de donation des titres de la holding ou de décès du dirigeant. La donation sera imposable en Espagne et en France (absence de convention sur les donations) mais les droits en cas de succession seront dus en Espagne uniquement (disposition spécifique de la convention).
En conclusion, un projet d’expatriation peut avoir des conséquences importantes sur la transmission de son patrimoine, et plus particulièrement pour un dirigeant d’entreprise. Il conviendra de le préparer pour éviter les écueils et optimiser les aspects civils et fiscaux en fonction du pays d’expatriation et du schéma de transmission envisagés.
[1] Sursis automatique en cas d’installation dans un État de l’EEE hors Liechtenstein ou dans un autre État ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale, ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement, ou sur demande express et conditionné à la constitution de garanties.
Dans un contexte international, les donations peuvent, par principe, être imposables dans l’État où réside le donateur, dans l’État où réside le donataire et dans l’État où est situé l’actif donné. Une imposition multiple est donc possible pour une même donation selon les règles de territorialité des différents États concernés. Mais faut-il donner avant de s’expatrier ou s’expatrier avant de donner ?
Lorsque vous travaillez à l’étranger, vous relevez, en principe, du régime obligatoire de retraite local et cotisez dans cet État. Ces périodes d’activité peuvent permettre de bénéficier d’une retraite auprès du régime local. Et, dans ce cas, lors de votre départ à la retraite, vous percevrez une retraite de chacun des régimes auxquels vous avez été affiliés : une retraite française et une retraite étrangère.
Le règlement d’une succession internationale est particulièrement complexe dans la mesure où chaque État dispose de sa propre législation, que ce soit en matière civile (partage de la succession) ou en matière fiscale (imposition de la succession). Mais alors comment déterminer quelles règlent s’appliquent ?
Un projet d’expatriation revêt par nature, une certaine complexité, une part de risque, d’aventure. L’obtention d’un visa, l’inscription des enfants dans une bonne école, le choix d’un logement confortable, sont des éléments déterminants dans la réussite d’un séjour de longue durée à l’étranger.